(Jur) Droit au déréférencement des données personnelles

 In Droit social

Aux termes de l’article 9 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, dans leur rédaction applicable au litige, les traitements de données à caractère personnel relatives aux infractions, condamnations et mesures de sûreté ne peuvent être mis en œuvre que par les juridictions, les autorités publiques et les personnes morales gérant un service public, agissant dans le cadre de leurs attributions légales, les auxiliaires de justice, pour les stricts besoins de l’exercice des missions qui leur sont confiées par la loi, et les personnes morales mentionnées aux articles L. 321-1 et L. 331-1 du Code de la propriété intellectuelle, agissant au titre des droits dont elles assurent la gestion pour le compte des victimes d’atteintes aux droits prévus aux livres Ier, II et III du même code aux fins d’assurer la défense de ces droits.Il résulte des 38 et 40 de la même loi que toute personne physique a le droit de s’opposer, pour des motifs légitimes, à ce que des données à caractère personnel la concernant fasse l’objet d’un traitement et peut exiger du responsable d’un traitement que soient, selon les cas, rectifiées, complétées, mises à jour, verrouillées ou effacées les données qui sont inexactes, incomplètes, équivoques, périmées, ou dont la collecte, l’utilisation, la communication ou la conservation est interdite.Ces dispositions réalisent, respectivement, la transposition, en droit interne, des articles 8, paragraphe 5, 12, sous b), et 14, premier alinéa, sous a), de la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement de données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, applicable en la cause, à la lumière de laquelle elles doivent être interprétées.La CJUE a dit pour droit (CJUE, 24 sept. 2019, n° C-136/17, GC et a. c/ Commission nationale de l’informatique et des libertés), la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit que :- les dispositions de l’article 8, paragraphes 1 et 5, de la directive 95/46 doivent être interprétées en ce sens que l’interdiction ou les restrictions relatives au traitement des catégories particulières de données à caractère personnel, visées par ces dispositions, s’appliquent, sous réserve des exceptions prévues par cette directive, également à l’exploitant d’un moteur de recherche dans le cadre de ses responsabilités, de ses compétences et de ses possibilités en tant que responsable du traitement effectué lors de l’activité de ce moteur, à l’occasion d’une vérification opérée par cet exploitant, sous le contrôle des autorités nationales compétentes, à la suite d’une demande introduite par la personne concernée.- les dispositions de ce même texte doivent être interprétées en ce sens que, en vertu de celles-ci, l’exploitant d’un moteur de recherche est en principe obligé, sous réserve des exceptions prévues par cette directive, de faire droit aux demandes de déréférencement portant sur des liens menant vers des pages web sur lesquelles figurent des données à caractère personnel qui relèvent des catégories particulières visées par ces dispositions.- les dispositions de la directive doivent être interprétées en ce sens que, lorsque l’exploitant d’un moteur de recherche est saisi d’une demande de déréférencement portant sur un lien vers une page web sur laquelle des données à caractère personnel relevant des catégories particulières visées à l’article 8, paragraphe 1 ou 5, de cette directive sont publiées, cet exploitant doit, sur la base de tous les éléments pertinents du cas d’espèce et compte tenu de la gravité de l’ingérence dans les droits fondamentaux de la personne concernée au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel, consacrés aux articles 7 et  8 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, vérifier, au titre des motifs d’intérêt public important visés à l’article 8, paragraphe 4, de ladite directive et dans le respect des conditions prévues à cette dernière disposition, si l’inclusion de ce lien dans la liste de résultats, qui est affichée à la suite d’une recherche effectuée à partir du nom de cette personne, se révèle strictement nécessaire pour protéger la liberté d’information des internautes potentiellement intéressés à avoir accès à cette page web au moyen d’une telle recherche, consacrée à l’article 11 de cette charte.Il s’ensuit que, lorsqu’une juridiction est saisie d’une demande de déréférencement portant sur un lien vers une page internet sur laquelle des données à caractère personnel relatives aux infractions, condamnations et mesures de sûreté sont publiées, elle doit, pour porter une appréciation sur son bien-fondé, vérifier, de façon concrète, si l’inclusion du lien litigieux dans la liste des résultats, affichée à la suite d’une recherche effectuée à partir du nom d’une personne, répond à un motif d’intérêt public important, tel que le droit à l’information du public, et si elle est strictement nécessaire pour assurer la préservation de cet intérêt.Pour rejeter la demande de déréférencement, la cour d’appel retient que, si l’infraction d’escroquerie au préjudice de l’administration fiscale a été commise par l’intéressé dans la sphère privée, il n’en reste pas moins que le référencement des liens litigieux conserve un caractère pertinent en raison de sa profession, dès lors que celui-ci est amené, en sa qualité d’expert-comptable, à donner des conseils de nature fiscale à ses clients et que ses fonctions de commissaire aux comptes appellent une probité particulière. Il ajoute qu’en tant que membre d’une profession réglementée, le demandeur doit être considéré comme ayant un rôle dans la vie publique. Elle en déduit que l’intérêt des internautes à avoir accès à l’information relative à sa condamnation pénale, en lien avec sa profession, doit prévaloir sur le droit à la protection des données à caractère personnel du demandeur.Ainsi, en ne recherchant pas, comme il le lui incombait, si, compte tenu de la sensibilité des données en cause et, par suite, de la particulière gravité de l’ingérence dans les droits du demandeur au respect de sa vie privée et à la protection de ses données à caractère personnel, l’inclusion des liens litigieux dans la liste des résultats était strictement nécessaire pour protéger la liberté d’information des internautes potentiellement intéressés à avoir accès aux pages internet concernées, à défaut de quoi serait caractérisé un trouble manifestement illicite au sens de l’article 809 du Code de procédure civile, la cour d’appel ne donne pas de base légale à sa décision.

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