(Jur) Aide juridictionnelle et délais d’appel : l’accès au tribunal et la sécurité juridique priment

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Un justiciable relève appel du jugement d’un TGI le 9 janvier 2017, puis dépose une demande d’aide juridictionnelle, le 31 janvier 2017, dont le bénéfice lui est accordé le 2 mars 2017.Le conseiller de la mise en état prononce la caducité de la déclaration d’appel, en application de l’article 908 du Code de procédure civile, faute de conclusions de l’appelant dans un délai de trois mois suivant cette déclaration d’appel. L’appelant défère cette ordonnance à la cour d’appel et conclut au fond le 1er juin 2017.Le décret du 27 décembre 2016 a modifié l’article 38 du décret du 19 décembre 1991, à l’effet de reporter le point de départ du délai d’une action en justice ou d’un recours, au profit de celui qui demande le bénéfice de l’aide juridictionnelle, au jour de la notification de la décision statuant définitivement sur cette demande ou, en cas d’admission, de la date, si elle est plus tardive, au jour de la désignation d’un auxiliaire de justice en vue d’assister ou de représenter le bénéficiaire de cette aide pour l’exercice de cette action ou de ce recours. Ce décret du 27 décembre 2016 a corrélativement abrogé l’article 38-1 du décret du 19 décembre 1991, qui prévoyait, dans le cas particulier d’une procédure d’appel, l’interruption des délais réglementaires que cette procédure fait courir.Cette abrogation a entraîné la suppression d’un dispositif réglementaire, qui était notamment destiné à mettre en œuvre les articles 18 et 25 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, selon lesquels l’aide juridictionnelle peut être demandée avant ou pendant l’instance et le bénéficiaire de cette aide a droit à l’assistance d’un avocat. Il en résulte qu’en l’état de cette abrogation, le sens et la portée des modifications apportées à l’article 38 de ce décret ne pouvaient que susciter un doute sérieux et créer une situation d’incertitude juridique. La confusion a été accrue par la publication de la circulaire d’application du décret, bien que celle-ci soit, par nature, dépourvue de portée normative. En effet, commentant la modification apportée à l’article 38 du décret, cette circulaire affirmait en substance que l’extension aux délais d’appel de l’effet interruptif s’appliquait également aux délais prévus aux articles 902 et 908 à 910 du Code de procédure civile. En outre, elle annonçait qu’une modification du décret du 19 décembre 1991 serait prochainement apportée sur ce point. Postérieurement, le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 a rétabli, pour partie, le dispositif prévu par l’article 38-1 du décret du 19 décembre 1991.Il résulte de ce qui précède que le dispositif mis en place par le décret du 27 décembre 2016 est susceptible de porter atteinte au principe de sécurité juridique et, en cela, d’avoir pour effet de restreindre, de manière disproportionnée au regard des objectifs de célérité et de bonne administration de la justice que ce texte poursuivait, le droit d’accès effectif au juge des requérants qui sollicitent l’aide juridictionnelle après avoir formé une déclaration d’appel. En effet, ces appelants peuvent se voir opposer la caducité de leur déclaration d’appel, les privant ainsi de la faculté d’accéder au juge d’appel.Par conséquent, l’appelant qui a formé appel avant le 11 mai 2017, date d’entrée en vigueur du décret du 6 mai 2017, et sollicité, dans le délai prévu par l’article 908 du Code de procédure civile, le bénéfice de l’aide juridictionnelle, puis remis au greffe ses conclusions dans ce même délai, courant à compter de la notification de la décision statuant définitivement sur cette aide, ne peut se voir opposer la caducité de sa déclaration d’appel.NOTE : Voir aussi Cass. 2e civ., 19 mars 2020, n° 18-23923La Cour de cassation précise, dès à présent, que ces arrêts ne doivent pas être lus comme livrant une appréciation de la conformité aux exigences du procès équitable de l’économie d’ensemble des dispositifs instaurés par les décrets des 27 décembre 2016 et 6 mai 2017, mais uniquement comme sanctionnant le défaut de prévisibilité juridique du dispositif issu du seul décret du 27 décembre 2016.Au cours de la période écoulée entre le 1er janvier et le 10 mai 2017, le justiciable qui forme une demande d’aide juridictionnelle pendant le cours du délai qui lui est ouvert pour conclure par l’article 909 du Code de procédure civile, ne pourra se voir opposer l’irrecevabilité de ces conclusions s’il remet au greffe ces dernières dans ce même délai, courant à compter de la notification de la décision statuant définitivement sur cette aide.

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