(Jur) Interprétation de l’article 16 de l’ordonnance prolongeant un titre de détention

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L’article 16 de l’ordonnance n° 2020-303 du 23 mars 2020 s’interprète comme prolongeant, sans intervention judiciaire, pour les durées qu’il prévoit, tout titre de détention venant à expiration, mais à une seule reprise au cours de chaque procédure.L’article 16 précité n’excède pas les limites de la loi d’habilitation n° 2020-290 du 23 mars 2020.Il résulte de l’article 5 de la Conv. EDH que lorsque la loi prévoit, au-delà de la durée initiale qu’elle détermine pour chaque titre concerné, la prolongation d’une mesure de détention provisoire, l’intervention du juge judiciaire est nécessaire comme garantie contre l’arbitraire.Dès lors, l’article 16 précité de l’ordonnance n’est compatible avec l’article 5 de cette convention et la prolongation qu’il prévoit régulière que si la juridiction qui aurait été compétente pour prolonger la détention rend une décision par laquelle elle se prononce sur le bien-fondé du maintien en détention, dans le cadre d’un débat contradictoire tenu, le cas échéant, selon les modalités prévues par l’article 19 de l’ordonnance.Cette décision doit intervenir dans un délai qui court à compter de la date d’expiration du titre ayant été prolongé de plein droit et qui ne peut être supérieur d’une part, à un mois en matière délictuelle, d’autre part, à trois mois en matière criminelle ainsi qu’en cas d’appel de la condamnation prononcée en première instance.Une telle décision ne s’impose pas lorsqu’en première instance ou en appel, la juridiction compétente, saisie de la question de la prolongation de plein droit de la détention provisoire, a statué sur la nécessité de cette mesure dans le délai précité.Elle ne s’impose pas non plus si la juridiction compétente a statué sur la nécessité de la détention, d’office ou lors de l’examen d’une demande de mise en liberté, toujours dans le délai précité.Dans les autres cas, si l’intéressé n’a pas, entre-temps, fait l’objet d’un nouveau titre de détention, il incombe au juge d’effectuer ce contrôle dans les délais précités, à moins que, dans ce délai, il n’ait déjà exercé son contrôle en application de l’article 16-1, alinéa 5, de l’ordonnance du 25 mars 2020, introduit par la loi du 11 mai 2020.À défaut d’un tel contrôle et sauf s’il est détenu pour autre cause, l’intéressé doit être immédiatement remis en liberté.Encourt dès lors la cassation l’arrêt de la cour d’appel de Grenoble qui, pour confirmer l’ordonnance du JLD ayant constaté la prolongation de plein droit de la détention provisoire de la personne mise en examen, énonce que ce juge n’a pu que constater cette prolongation, alors qu’il appartenait à la chambre de l’instruction de statuer sur la nécessité du maintien en détention de la personne mise en examen, qui sollicitait d’ailleurs sa mise en liberté dans son mémoire.NOTE : L’article 16 de l’ordonnance du 25 mars 2020 s’interprète comme prolongeant, sans intervention judiciaire, pour les durées qu’il prévoit, tout titre de détention venant à expiration, mais à une seule reprise au cours de chaque procédure.Afin de la limiter, tant pendant l’information qu’après son règlement, la détention provisoire est encadrée par deux règles strictes cumulatives : une durée limitée des titres de détention dont les effets à l’expiration de cette durée ne peuvent être prolongés que par une décision motivée de la juridiction compétente, après un débat contradictoire et une durée totale de la détention, fonction de la gravité de l’infraction, au-delà de laquelle elle ne peut plus être prolongée.Dans une motivation dite enrichie, la chambre criminelle développe le raisonnement suivant : l’expression « délais maximum de détention provisoire », ne permet pas, à elle seule, de déterminer la portée de l’article 16, les autres articles de l’ordonnance ne permettent pas davantage d’interpréter ces termes, en revanche l’expression « de plein droit » des délais maxima de détention provisoire ne peut être interprétée que comme signifiant l’allongement de ces délais, pour la durée mentionnée à l’article 16, sans que ne soit prévue l’intervention d’un juge. Or, il serait paradoxal que l’article 16 ait prévu que l’allongement de la durée totale de la détention s’effectue sans intervention judiciaire tandis que l’allongement d’un titre de détention intermédiaire serait subordonné à une décision judiciaire prise en application de l’article 19 de l’ordonnance. Il en résulte que l’article 16 doit être interprété comme prolongeant, sans intervention judiciaire, pour les durées qu’il prévoit, tout titre de détention venant à expiration, et ce à une reprise au cours de chaque procédure. Cet article, selon la chambre criminelle, n’est pas en contradiction avec l’article 1er, III, 2° de la loi n°2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions, qui a introduit un article 16-1 dans l’ordonnance, mettant fin aux prolongations de plein droit prévues à l’article 16 et dont il résulte qu’elles s’appliquaient soit à une échéance intermédiaire, soit à la dernière échéance possible de la détention provisoire.La Cour de cassation relève qu’afin d’une part, de faire face aux conséquences de la propagation de l’épidémie de covid-19 et de tenir compte des mesures prises pour limiter cette propagation, d’autre part, de limiter la propagation de l’épidémie parmi les personnes participant aux procédures en cause, l’article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 avait autorisé le Gouvernement à adapter le déroulement et la durée des détentions provisoires pour permettre l’allongement des délais de détention et la prolongation de ces mesures selon une procédure écrite.Elle en déduit que le Gouvernement a pu prévoir, sans excéder les limites de la loi d’habilitation, la prolongation de plein droit des titres de détention au cours de l’instruction ou lors de l’audiencement, à une reprise, pour les durées prévues à l’article 16.Certains interprèteront cet arrêt comme un désaveu de la « prolongation automatique » de la détention provisoire, ce qui n’est pas tout à fait le cas. La chambre criminelle, tout en renvoyant la question des modalités de cette prolongation sans intervention immédiate d’un juge, afin de faire face à l’épidémie, au Conseil constitutionnel.

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